kadafi, une enquete en Libye, d'un reporter du journal LE MONDE, Français.

Publié le par Mohamed-Laid-Anas GUENDOUZ

732954.pngAnnick Cojean, "Les proies dans le harem de Kadhafi" : Dutroux au pouvoir.images--2-.jpg

 

Ce n’est pas un livre, c’est une bombe. Il faut en imposer la lecture à tous les corps diplomatiques de tous les pays, à tous les bureaux politiques de tous les partis européens et bien sûr à tous les Français qui se croient « informés ». Portant le journalisme d’investigation à l’un de ses pics, Annick Cojean, grand reporter au Monde, a enquêté sur place, à Tripoli, « prison à ciel ouvert », et arraché à des femmes libyennes les révélations sur le sort que Moammar Khadafi (c’est la transcription correcte du nom,kha, dal, fé, yé) réservait à des fillettes de quatorze ou quinze ans dans les lupanars personnels qu’il avait organisés jusque dans l’enceinte de l’université de Tripoli, comme dans son QG de Bab el Azizia : il les faisait enlever, par dizaines, par centaines, les violait et les droguait, avec la brutalité d’un soudard fou. Et il les faisait ensuite assister à ses ébats avec des hommes. Puis il se servait du sang de la défloration pour des pratiques de magie noire. Des membresimages--4-.jpg mâles de son gouvernement, avec lesquels il forniquait aussi, en faisaient autant avec les filles mises à leur disposition.

 

 

Le récit détaillé de l’une de ces victimes, Soraya, qui ouvre ces pages hallucinantes, semble sorti d’une version contemporaine des écrits du marquis de Sade. Nul besoin d’être Père ou Mère La Pudeur pour en suffoquer : on en reste cloué. L’infamie de Khadafi dépasse l’imaginable et le range dans la galerie des monstres qu’on avait espéré close avec Idi Amine Dada et Pol Pot. C’était donc cela qu’on appelait un homme d’État, un hôte d’honneur qu’on autorisait à dresser sa tente dans les jardins de l’hôtel Marigny, épisode que n’auraient même pas imaginé les auteurs des turqueries du Grand Siècle ? Non, c’était Dutroux au pouvoir. Khadafi, chef maquereau aux postures théâtrales, bramant des discours tonitruants sur la condition de la femme dans les pays arabes et des références mensongères à l’Islam, avait organisé un vaste réseau de prostitution. Le destin fut clairvoyant : l’homme, si l’on peut appeler cela un homme, creva enfin dans une boucheimages--5--copie-1.jpg d’égout.

 

Insistons sur le fait que, sans l’audace et l’obstination d’Annick Cojean, ces faits n’auraient sans doute jamais été portés à la connaissance du public. En effet, « le sujet est tabou, on a dû vous le dire, » lui déclara la seule femme membre du CNT, la juriste Salma el Daghili, pourtant pleine de compassion à l’égard des récits présentés par l’auteur. C’est-à-dire que les Libyens, même les plus férocement hostiles à Khadafi, ne l’auraient pas divulgué. 

 

La leçon de ce livre est lourde à porter pour tous ceux qui, investis du pouvoir démocratique, sont chargés de traiter avec pareils personnages. Où s’achève la politique et où commence le politique ? Les services secrets de l’Occident, qui savent tant de choses, ignoraient-ils le vrai visage du commanditaire de l’attentat de Lockerbie, l’homme qui tyrannisa son pays pendant quarante-deux ans ? Et ils n’avaient pas informé les chefs d’État qui flattaient ce microcéphale enragé et lubrique ? Mais ce sont là des questions qui mériteraient une autre enquête. En attendant, félicitons-nous que celle-ci ait été faite.

 

Gerald Messadié.

 

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