50 Ans d'indépendance, Henri ALLEG, Témoignage (3)

Publié le par Mohamed-Laid-Anas GUENDOUZ

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Suite ...

    Il était 16 heures lorsque le lieutenant de parachutistes Charbonnier, accompagné d'un de ses hommes et d'un gendarme, arriva chez Audin pour me prendre en charge.

La veille de ce mercredi 12 juin, mon ami Maurice Audin, assistant à la faculté des Sciences d'Alger, avait été arreté à son domicile et la police y avait laissé un inspecteur.

C'est lui qui m'ouvrit la porte lorsque je tombai dans la souricière. J'avais tenté, sans succès, de m'échapper, mais le policier, révolver au point, m'avait rattrapé au premier étage et nous étions remontés dans l'appartement. Très nerveux, l'inspecteur, tout en me surveillant du coin de l'oeil, avait téléphoné au centre des paras pour demander un renfort immédiat.

          Dès le moment ou le lieutenant entra dans la pièce, je sus ce qui m'attendait.

Coupé par un immense béret, son petit visage bien rasé, triangulaire et anguleux comme celui d'un fennec, souriait, les lèvres pincées. "Excellente prise, dit-il en détachant les syllabes ; c'est Henri Alleg, l'ancien directeur d' Alger Républicain." Et puis immédiatement, s'adressant à moi :

        " Qui vous héberge ?

      - ça, je ne le vous dirai pas !"

     Sourire et hochement de tete, puis, très sur de lui : " Nous allons vous préparer un petit interrogatoire tout à l'heure qui vous suffira. Vous répondrez, je vous le promets. Mettez-lui les menottes."

Tenu par le para, je descendis les trois étages jusqu'à la rue. La voiture du lieutenant, une Aronde, nous attendait, rangée de l'autre coté. On me fit assoir, à l'arrière. Le para était à coté de moi : le canon de sa mitraillette me heurtait les cotes : " Il y en a un bon tas là-dedans pour vous, si vous faites le con ".

Nous filions vers les hauteurs de la ville. Après une courte halte devant une villa (sans doute un P.C. des paras), ou entra seul Charbonnier, nous continuames à monter vers Chateauneuf par le boulevard Clemenceau. Finalement, la voiture s'arreta après la place d'El-Biar, devant un grand immeuble en construction.

       Je traversai une cour encombrée de jeeps et de camions militaires et j'arrivai devant l'entrée du batiment inachevé. Je montai : Charbonnier était devant, le para derrière moi. Les fers du ciment armé apparaissaient çà et là dans la maçonnerie ; l'escalier n'avait pas de rampe, des plafonds gris pendaient les fils d'une installation électrique hative.

D'un étage à l'autre, c'était un remue-ménage incessant de paras, qui montaient et descendaient, chassant devant eux des Musulmans, prisonniers déguenillés, barbus de plusieurs jours, le tout dans un grand bruit de bottes, d'éclats de rires, de grossièretés et d'insultes entremelés. J'étais au " centre de tri du sous-secteur de Bouzaréah". J'allais apprendre bientot comment s'effectuait ce " tri ".

à suivre ...

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